Physiopathologie et immunité
Les infections à staphylocoques de la peau et des muqueuses sont
favorisées par-des facteurs locaux ou généraux. Toute lésion, même minime du
revêtement cutané, permet une colonisation des tissus par les souches de S
aureus (excoriations, traumatismes, blessures, brûlures, piqûres, incisions
chirurgicales...). Il faut insister sur le rôle favorisant d'un corps étranger
et des antibiothérapies à large spectre sélectionnant des staphylocoques multirésistants,
et sur la gravité des infections à staphylocoque chez les sujets aux défenses
amoindries: immunodépression acquise (virale, chimiothérapie) ou congénitale,
ou encore malades atteints d'affections chroniques (diabète, mucoviscidose,
cancer, alcoolisme, insuffisance rénale chronique). Les lésions tissulaires
sont caractérisées par une réaction inflammatoire intense, avec présence de
nombreux leucocytes et prolifération microbienne. Les lésions évoluent vers la
nécrose, avec tendance à l'abcédation avec extension rapide aux vaisseaux de
voisinage (thrombophlébites) à l'origine d'une dissémination bactérienne par
voie sanguine et de la formation de métastases.
Virulence de S. aureus
La virulence de S. aureus est due à la sécrétion de
multiples toxines et enzymes, qui contribuent diversement à l’expression du
pouvoir pathogène. Certaines structures pariétales, dont le peptidoglycane,
aurait des propriétés pro- inflammatoires
d’endotoxines, de même que la protéine A qui fixe le fragment Fc des
immunoglobulines, ainsi que les polyosides capsulaires de certaines souches qui
auraient un rôle anti-phagocytaire.
Enzymes et toxines sécrétées par les staphylocoques
S. aureus est capable de
produire un grand nombre d’enzymes et de toxines :
Enzymes
- enzymes capables de dégrader le tissu conjonctif (hyaluronidase
lipase, estérase) jouant un rôle dans la diffusion tissulaire
- enzymes dégradant les membranes et leurs composants
(phospholipases et lipases), les protéines (protéases)
- une staphylo-coagulase responsable de la formation d'un caillot
endoveineux au site de la thrombophlébite
- une protéine capable de lyser le caillot: les staphylocoques
sécrètent aussi La fibrinolysine ou staphylo-kinase, qui contribue à la
dislocation du caillot et à la dissémination d'embols septiques.
Exotoxines
- les staphylo-lysines (α, β, γ, δ) capables d'attaquer les
membranes : ces toxines cytolytiques sont des leucocidines dermonécrotiques et
antiphagocytaires
- la leucocidine de Panton et Valentine (LPV)
- les exfoliatines A et B
- les entérotoxines A, B, C1, C2, D et E
- la toxine du choc toxique staphylo-coccique TSST-1.
Certaines toxines agissent localement (staphylolysines, LPV),
d'autres toxines diffusent à distance du foyer initial et expliquent la
symptomatologie (exfolia-tines, TSST1…).
S. aureus produit un
nombre important de toxines à activité superantigène ( exfoliatines A et B,
TSST-1, entérotoxines A, B, C1, C2, D et E…). Ces
superantigènes se lient au complexe TCR- MHC II qui est associé aux peptides de
présentation par les cellules présentatrices aux cellules T. Cette insertion se
fait aux domaines Vβ du TCR et aux molécules MHC II, déclencvhant une forte
production de cytokines.
Les syndromes cliniques liés aux exotoxines de S aureus
Les entérotoxines (SE)
On en connaît 6 ou 7 sérotypes différents les entérotoxines SE : A,
B, C1, C2, D et E, SEA et SED étant les plus souvent en
cause. Ces toxines sont codées par le chromosome. L'action des entérotoxines
porte sur le tube digestif en intervenant sur le système nerveux central :
vomissements et diarrhée. Elles exercent aussi un effet mitogène sur les
lymphocytes et stimulent la production d'interféron.
Toxi-infections
alimentaires
Les toxi-infections alimentaires sont provoquées par l'ingestion
d'aliments contenant de la toxine. L'incubation est généralement de 3 heures
puis apparaissent des vomissements, de la diarrhée et rarement un collapsus.
Les produits laitiers, les viandes sont les plus souvent en cause, souillés par
un personnel porteur de staphylocoque. L'évolution est généralement favorable
en quelques heures, les formes graves avec choc étant l'apanage des terrains particuliers.
L'antibiothérapie ne semble pas influencer l'évolution.
Scarlatine
staphylococcique
Elle se rencontre chez le jeune enfant et fait suite a une
suppuration volontiers chirurgicale: ostéomyélite, arthrite, abcès.
L'hémoculture est souvent positive. Le tableau clinique est semblable à la
scarlatine streptoco-ccique, sinon par la présence d'un foyer suppuré. Les
toxines produites par les souches sont les entérotoxines (SEA, SEB, SEC, SED)
et la TSST-1. Ces toxines sont également impliquées dans le syndrome de choc
toxique staphylococcique qui comporte une éruption scarlatiniforme et dont on
connaît l'existence de formes incomplètes. Le traitement et le pronostic sont
ceux de l'infection causale, c'est-à-dire d'une infection staphylococcique
sévère.
Les exfoliatines
II existe en fait 2 toxines épidermo-lytiques ou exfoliatines :
l'exfoliatine A chromosomique et l'exfoliatine B plasmidique. Les souches de S.
aureus productrices d'exfoliatine représentent 2 à 25 % des souches isolées
en Europe et aux Etats-Unis. Leur mode d'action sur l'épiderme est mal connu.
Il existerait dans l'épiderme du nouveau-né un récepteur spécifique de
l'exfoliatine masqué chez l'adulte. L'exfoliatine atteint la zone granuleuse de
l'épiderme en diffusant à travers les capillaires du derme et est à l'origine
du décollement intradermique. Ce sont des superanti-gènes expliquant la
survenue de manifestations systémiques.
Syndrome d'exfoliation généralisée
Le syndrome d'exfoliation généralisée, ou syndrome de la peau
ébouillantée et le syndrome de Lyell sont 2 entités cliniques différentes: pour
le syndrome de la peau ébouillantée, le décollement cutané se fait par clivage
de la partie superficielle de l'épiderme au niveau de la couche granuleuse
alors que, pour le syndrome de Lyell toxique, le clivage est plus profondément
au niveau du corps muqueux. Cliniquement, le syndrome de la peau ébouillantée
se rencontre chez l'enfant, parfois chez l'adulte immunodéprimé ou insuffisant
rénal. Le foyer staphylococcique peut être ORL, conjonctival ou cutané. Le
staphylocoque n'est pas présent dans les bulles. La maladie débute par de la
fièvre et un exanthème scarlatiniforme dominant au visage, aux régions
péri-orificielles en particulier la
région péri-narinaire- et aux plis. L'exfoliation se fait en quelques heures et
provoque un décollement des zones érythémateuses soit spontané, soit à la suite
de traumatisme. Les muqueuses ne sont habituellement pas atteintes. La guérison
survient en 6 à 12 jours. Les complications sont rares et la mortalité très
faible. Le syndrome de Ritter représente la même affection chez le nouveau-né.
Le foyer primitif est souvent une omphalite, une circoncision infectée, une
conjonctivite, une rhinite. Les complications sont plus fréquentes, notamment
choc septique ou staphylococcie pleuro-pulmonaire. Ces 2 affections relèvent
d'une antibiothérapie par voie générale non ciblée sur les staphylocoques methicilline-résistants
(SAMR) ainsi que d'une réanimation hydro-éléctrolytique dans les formes
sévères.
Impétigo bulleux
L'impétigo bulleux est constitué d'un nombre variable de bulles à
contenu trouble, contenant le staphylocoque (producteur d'exfoliatine) qui
siègent surtout aux extrémités. Elles évoluent vers l'ouverture et la formation
d'ulcérations, puis de croûtes. La cicatrisation se fait en une semaine
environ. Il s'agit d'une affection bénigne qui justifie simplement une antibiothérapie
orale. On pense que la présence d’anticorps ou non contre l’exfoliatine
expliquerait la différence de gravité des syndromes cliniques. En présence
d'anticorps, la toxine reste localisée in situ provoquant un impétigo bulleux.
En l'absence d'anticorps, la toxine diffuse et entraîne un syndrome de Ritter
ou un syndrome d'exfoliation généralisée.
La toxine TSST-1
La toxine TSST-1 du syndrome de choc toxique staphylococcique est
d'origine chromosomique, pyrogène et létale. C’est un superantigène à forte
activité mitogène pour les lymphocytes T avec production d'interleukines, ce
qui joue un rôle dans la pathogénie du syndrome de choc toxique. La TSST-1
entraîne la formation d'anticorps dont la fréquence augmente avec l'âge (85 % à
30 ans). Le syndrome de choc toxique staphylococcique est affection aiguë
associant de la fièvre, un rash scarlatiniforme évoluant vers la desquamation,
un choc et des signes d'atteinte multiviscérale. D’abord décrit chez des femmes
utilisant des tampons vaginaux, iI peut en fait survenir à tout âge, notamment
chez l’enfant. La définition du syndrome est clinique, associant fièvre, éruption
scarlatiniforme, desquamation, et choc toxique avec insuffisance rénale aiguë.
La TSST-1 n'est retrouvée que chez 50 à 60 % des souches, les entérotoxines
peuvent également être impliquées dans ce syndrome. La guérison est
généralement rapide. La mort est possible par fibrillation ventriculaire ou
hypoxémie réfractaire. Le traitement du choc associé à l’antibiothérapie repose
sur le remplissage vasculaire, les vasopresseurs et sur le traitement
symptomatique des atteintes viscérales.
La leucocidine de Panton et Valentine (LPV)
Cette toxine est produite par moins de 5 % des staphylocoques,
comportant 2 composants F et S. Elle se fixe sur les granulocytes et les
érythrocytes humains et crée des pores dans la membrane cellulaire, résultant
une dermo-nécrose inflammatoire. Son mode d'action fait intervenir une
stimulation exagérée et une lyse des granulocytes. La leucocidine de Panton et
Valentine est produites par des souches responsables d’infections
cutanéo-muqueuses : furonculoses (> 90 % des souches produisent LPV) et
pneumopathies nécrotico-hémorragiques à S aureus, touchant le grand
enfant ou le jeune adulte, très grave avec leucopénie et dont l’évolution est
souvent fulgurante et mortelle dans un tableau associant insuffisance
respiratoire aiguë et choc ( 85 % des souches produisent LPV).
Génétique des gènes de virulence de S aureus.
Le génome de S. aureus (2,8 Mb) est composé d’un mélange
complexe de gènes dont un grand nombre semble avoir été acquis par transfert
latéral de gènes. La plupart des gènes de résistance aux antibiotiques sont
transportés par des éléments génétiques mobiles ou des plasmides. Trois classes
de nouveaux îlots de pathogénicité ont été identifiées :
(1) un îlot de toxines de la famille du toxic shock syndrome.
(2) des îlots d’exotoxines.
(3) des îlots d’entérotoxines.
Immunité anti- staphylocoque
Les staphylocoques sont des bactéries à multiplication
extracellulaire qui sont habituellement détruits par des polynucléaires et des
macrophages recrutés au foyer initial d’infections. L'immunité
anti-staphylococcique est liée à la présence d'anticorps opsonisants qui
favorisent la phagocytose par les polynucléaires et les macrophages, et est
associée à la production d'anticorps neutralisant antitoxines et antienzymes.
Il existe une forte immunité naturelle contre le staphylocoque, qui est stimulé
sans arrêt au cours de la vie.