Streptocoques C et G
Les streptocoques du groupe C et G sont des streptocoques
β-hémolytiques responsables d'infections aiguës des voies aériennes
supérieures, de la peau, de l'endocarde et d'infections néonatales. Ces
streptocoques peuvent aussi être responsables d'endocardites subaiguës graves
avec un pronostic sévère, et parfois de complications post-infectieuses (groupe
C), uniquement de type glomérulonéphrites aiguës, jamais de rhumatisme
articulaire aigu.
A la différence de S. pyogenes, ces germes sont commensaux
de nombreux animaux, qui peuvent occasionnellement contaminés l'homme. Les taux
de portage chez l'homme sont faibles (< 1 %). L’infection fait souvent suite
à une exposition animale. Le diagnostic bactériologique est facile, basé sur
l'isolement du germe dans la gorge, où il n'est habituellement pas retrouvé.
Streptococcus du groupe C. Coloration par la méthode de Gram
- On notera l’aspect très caractéristique du groupement en longues chaînettes.
Streptococcus agalactiae
S. agalactiae (ou
streptocoques du groupe B) est responsable surtout d'infections néonatales et
nosocomiales.
La coloration de Gram de la bactérie à Gram positif Streptococcus agalactiae, , à deux grossissements différents. La longueur de la barre d'échelle est égal à 5 um
Infections à S. agalactiae et épidémiologie
S. agalactiae est un commensal
du tube digestif et le tractus urogénital , retrouvé chez 5 à 40 % de la
population. La colonisation des nouveau-nés est d ‘environ 60 % (1-2 %
d'infections néo-natales).
Les infections du nouveau-né
On estime que S. agalactiae représente 2 à 4 % des
naissances pour les infections précoces et 1 0/ 00 pour les
infections tardives. Les infections du nouveau-né surviennent précocement la
plupart du temps avant le 5ème jour de vie, et en moyenne 20 heures
après la naissance. La plupart du temps, l'infection est transmise à partir de
la flore commensale de la mère. L'enfant présente une infection généralisée
avec bactériémie sans signe de localisation, et parfois une pneumonie grave ou
une méningite néonatale. Il existe des formes tardives de meilleur pronostic
(15-20 % de mortalité), qui apparaissant entre le 7ème jour et le 3e mois avec
presque toujours une méningite. Ces infections laissent souvent d’importantes
séquelles (30 à 50 %). Les facteurs de risque de mortalité sont la prématurité
(50 %), alors que le taux de mortalité est de 20 à 30 % chez l'enfant à terme.
Les infections de la mère
S agalactiae représente 10 à
20 % des bactériémies de l'accouchée et est surtout à l’origine d’infections du
postpartum (endométrites, plus rarement infections cutanées de la plaie).
Les infections opportunistes
S. agalactiae peut être aussi
une bactérie opportuniste chez l’adulte fragilisé (diabète, grossesse,
cancer...) : infections urinaires, broncho-pneumonies, cellulites, méningites,
endocardites, et septicémies. Le diagnostic est fait par hémocultures. La
bactériémie est retrouvée dans 90 % des cas.
Physiopathologie et immunité des infections à S. agalactiae
S. agalactiae est commensale
du tube digestif et les voies génitales de la femme. Les nouveau-nés se
contaminent lors de l'accouchement, soit par voie ascendante par rupture
prématurée des membranes, soit lors de l'accouchement. Les bactéries sont
inhalées et ingérées par l'enfant qui est colonisé dans près de 60 % des cas.
L'infection est asymptomatique la plupart du temps, et la maladie n'apparaît
que chez 1 ou 2 % des enfants avec une atteinte pulmonaire au premier plan
(pneumonie avec détresse respiratoire) ou bactériémie. L'apparition d'une
infection cutanée est liée surtout à la virulence des souches et à l'inoculum.
On décrit 3 sérotypes capsulaires : le sérotype III est associé aux
infections néonatales avec méningite, alors que les sérotypes I (la, lb, Ic) et
II sont rarement rencontrés chez le nouveau-né comme responsable d'infections
graves. La capsule est un facteur de virulence inhibant l'opsonisation.
Certaines souches produisent des toxines de type β-hémolysine et neuraminidase,
et des enzymes extracellulaires favorisant l’envahissement tissulaire.
Les facteurs de risque d’infection par S. agalactiae sont :
(1) la prématurité du fait
de l'absence d'anticorps maternels transmis avant la 37ème semaine et de la
faible synthèse du complément chez les prématurés .
(2) la rupture précoce des membranes avec un travail long
entraînant une infection de la cavité utérine.
L'immunité contre cette bactérie extracellulaire est de type
humoral avec des anticorps protecteurs dirigés contre la capsule spécifique.
Diagnostic bactériologique des infections à S. agalactiae
Prélèvements et examen microscopique
La bactérie peut être mise en évidence à partir des prélèvements de
liquide céphalorachidien, de sang , à partir des prélèvements
bronchopulmonaires ou de foyers suppuratifs (abcès profonds).A l’examen
microscopique des prélèvements, S. agalactiae est un coque Gram positif
en chaînettes. Chez le nouveau-né, on peut rechercher dans le LCR des antigènes
solubles avec des anticorps spécifiques (test latex ou ELISA).
Isolement et identification en culture
S. agalactiae croît
rapidement sur milieux riches (gélose au sang), donnant des colonies
β-hémolytiques. On peut utiliser des milieux sélectifs ( gélose au sang
additionné d’antibiotiques (acide nalidixique, colimycine). S. agalactiae est
identifiée par des caractères biochimiques particuliers et par son groupage (
groupe B de Lancefield). On définit 5 sérotypes capsulaires: la, lb, Ic, II et
III. Le sérotype III est le plus virulent.
Traitement des infections à S. agalactiae
Le traitement est basé sur l’utilisation de pénicilline G ou d’
ampicilline pendant 2 à 3 semaines, associés aux aminosides. On peut aussi
utiliser la vancomycine ou le chloramphénicol ( en cas d’allergie à la
pénicilline).
Entérocoques et streptocoques ingroupables (streptocoques D)
Les streptocoques du groupe D et les streptocoques ingroupables
sont un ensemble très hétérogènes de microorganismes, comportant : (1) le genre
Enterococcus, avec deux espèces importantes Enterococcus faecalis et
Enterococcus faecium ; (2) Les streptocoques ingroupables sont dépourvus
de polyoside C pariétal et donc non-typables par la méthode de Lancefield. Ils
comportent au moins six espèces pathogènes : Streptococcus mitior,
Streptococcus sanguis, Streptococcus milleri ou anginosus, Streptococcus
salivarius, Streptococcus mutans, l'agent de la carie dentaire, et Streptococcus
morbillorum.
Ces espèces sont commensales de la flore bucco pharyngée et
digestive. Elles sont peu virulentes, mais souvent résistantes à de nombreux
d'antibiotiques. Bien que peu virulentes, ces espèces sont capables chez des
sujets fragilisés d'envahir les tissus et d'essaimer à distance par voie
sanguine. Elles sont surtout à l’origine d’infections nosocomiales, et
d’endocardites subaiguës (entérocoques).
Infections à entérocoques et streptocoques ingroupables et épidémiologie
Ce sont des bactéries commensales de la flore buccale et digestive.
Certains entérocoques ont une existence saprophyte au contact des plantes. Les
streptocoques ingroupables (S mitior, S. milleri) sont retrouvés
dans la flore fécale (25-50 % des sujets sains), notamment E. fecalis (107/g
habituellement dans le côlon). Beaucoup de ces streptocoques sont dans des
écosystèmes complexes de la flore bucco-pharyngée, en particulier S. mutans,
bactérie associé à la plaque dentaire avec S. sanguis, S. mitior et
S. anginosus.
Les infections cutanéo-muqueuses
Il s'agit habituellement d'infections nosocomiales, où les
streptocoques de la flore buccale et fécale, sélectionnée par antibiothérapie,
infectent des lésions cutanéomuqueuses préexistantes (plaies chirurgicales,
blessures, ulcères variqueux, brûlures, gangrènes, lésions périnéales...). Il
peut aussi s'agir d'infections des voies respiratoires, buccales ou du tube
digestif, en particulier après chirurgie digestive, enfin d'infections
urinaires après cathétérisme ou chez les malades porteurs de lithiase (Enterococcus).
Parmi les streptocoques, E. fecalis est le seul à être responsable
d'infections urinaires (5-20 % des infections urinaires).
Les endocardites subaiguës
A partir d'un foyer infectieux localisé, à la suite d'une
bactériémie, les streptocoques du groupe D et les streptocoques ingroupables
peuvent donner des endocardites subaiguës, dont ils constituent la cause majeure.
50% des endocardites sont dues à des streptocoques ingroupables, dont S.
sanguis et S. mitior (2/3 des cas), S. mutans (14 %) et Enterococcus
spp (10 à 20 %).
Ces endocardites surviennent chez des patients ayant des lésions
valvulaires préexistantes, â la suite d'une bactériémie déclenchée par une
manoeuvre instrumentale, abdominale ou urinaire, une avulsion dentaire ou une
infection cutanée banale. Après deux semaines.
d'incubation, l'endocardite est cliniquement suspectée sur une
fièvre modérée, rémittente (38°C-39°C), s'accompagnant de sueurs nocturnes,
frissons, perte de poids, malaise (endocardite d'Osler). Toute fièvre chez un
cardiaque doit faire pratiquer des hémocultures (3-6 / jour). A l'examen
clinique, on note des modifications des bruits du coeur, une splénomégalie, et
parfois des complications à distance (pétéchies, nodules sous-cutanés,
ostéoarthropathie hypertrophiante...).
Physiopathologie et immunité des infections à entérocoques et streptocoques ingroupables
Endocardites
A la suite d'un geste agressif (avulsion dentaire,
cathétérisme...), les bactéries accèdent à la circulation sanguine
(bactériémie) et infecte les valves cardiaques. La greffe bactérienne est
favorisée par les lésions préexistantes rhumatismales et athéromateuses. Les
lésions induisent un thrombus avec agrégats plaquettaires au contact duquel les
bactéries s'implantent.
Des facteurs bactériens d'adhésion favorisent la colonisation, en
particulier la sécrétion de dextrane par les bactéries. La sécrétion d'enzymes
protéolytiques favoriserait la diffusion bactérienne dans l'endocarde. Les
bactéries se multiplient donc dans les valves cardiaques mal vascularisées à
l'abri du système immunitaire, et entraînent l'apparition de végétations
formées de stratifications successives de fibrine et de couches de bactéries.
Le nombre des bactéries dans les végétations peut atteindre 108 à 1010
/g d'endocarde. Les bactéries sont enkystées dans un réseau fibreux sans
cellules phagocytaires. Cette exclusion explique la difficulté des traitements
antibiotiques.
Les infections cutanéo-muqueuses
Les infections cutanéo-muqueuses à streptocoques du groupe D et
ingroupables sont surtout des infections nosocomiales. On pense que les acides
lipotéichofques (LTA) favorisent l'adhésion initiale aux lésions épithéliales
et, bien sûr, le terrain fragile sur lequel surviennent ces infections. La
fréquence de ces infections est aussi liée en partie à leur résistance
naturelle aux antibiotiques souvent sélectionnées par les antibiothérapies. L'immunité
contre ces streptocoques est essentiellement humorale.
Diagnostic bactériologique des infections à Entérocoques et streptocoques ingroupables
Prélèvements et examen microscopique
Le diagnostic d'une endocardite bactérienne repose sur la recherche
des germes par hémocultures (4-6 / 6h). Ces hémocultures sont pratiquées dans
des conditions strictes d'aseptie devant tout malade cardiaque, fébrile avant
de mettre en oeuvre le traitement antibiotique. Le choix des prélèvements lors
des infections cutanéo-muqueuses est fonction de la localisation des foyers
infectieux ( urines, selles, cathéters…). On découvre dans les bouillons
d’hémoculture incubés 1-3 jours à 37°C, des coques Gram + en chaînettes à
I’examen direct. Pour les infections urinaires, l’examen direct des urines
révèle souvent ces coques Gram + en chaînettes.
Isolement et identification
Les streptocoques du groupe D croissent facilement sur gélose au
sang en 24 heures (α-hémolyse ou absence d'hémolyse autour des colonies). Les
entérocoques croissent en milieux hostiles en présence de bile et de chlorure
de sodium. E. faecalis comporte deux biotypes : zymogenes (β-hémolytique)
et liquefaciens (protéolytique). Leur identification est basée sur le
groupage de Lancefield et sur des caractères biochimiques particuliers,
incluant la microaérophilie, l'exigence en C02, la production de dextrane et la
fermentation de certains sucres.
Les entérocoques apparaissent actuellement comme des pathogènes
opportunistes majeurs, et posent des problèmes de multi-résistance aux
antibiotiques, en particulier depuis l'apparition d'un plasmide codant pour la
résistance à la vancomycine, les gènes impliqués étant porté par un transposon.
Traitement des infections à entérocoques et streptocoques ingroupables
Les entérocoques sont beaucoup plus résistants que les autres
espèces de ce groupe, mais restent en général sensibles à la vancomycine et à
la rifampicine, alors qu'ils sont souvent résistants aux pénicillines. Il
importe donc d'associer plusieurs antibiotiques en cas d'infections à
entérocoques.
La majorité des streptocoques ingroupables restent sensibles à la
pénicilline G, et ont une résistance à bas niveau aux aminosides (inférieur à
1000 μg/L), ce qui permet leur utilisation en association. Le traitement des
endocardites doit être long (6 semaines), à base de pénicilline G (20 millions
IV), associée à un aminoside (gentamicine)