Les streptocoques
Les streptocoques sont des coques Gram+ en chaînettes,
habituellement isolées de la peau et des muqueuses de l’homme et des animaux.
Leur pouvoir pathogène est très polymorphe selon les espèces.
Streptocoques en chaînettes
Ces bactéries aéro-anaérobies fermentent les sucres et sont
classées grâce à la structure antigénique du polyoside A (Lancefield) en
streptocoques groupables ( A, B, D…) et ingroupables Les principales espèces
rencontrées chez l’homme sont : Streptococcus pyogenes, Streptococcus
pneumoniae, Streptococcus agalactiae, Streptococcus mitis …, et deux
espèces d’un genre proche, Enterococcus faecalis, Enteroccocus faecium…
Streptococcus pyogenes
S. pyogenes (ou
streptocoque β-hémolytique du groupe A) est une bactérie invasive et
toxinogène, à réplication extracellulaire. Cette bactérie strictement humaine
forme des coques cci Gram + en chaînettes, constitués d’un polyoside de paroi
appartenant au groupe A de la classification de Lancefield. Cette bactérie est
transmissible par aérosols et par l'environnement (lait, aliments, eau). Elle
induit des infections fréquentes et graves, répandues dans des infections dans
le monde, et très polymorphes, suppuratives (phase où le germe est facilement
des produits pathologiques) et post-infectieuses ou non-suppuratives
(rhumatisme articulaire aiguë ou RAA, glomérulonéphrites ou GNA, chorée de
Sydenham). En dépit de plus de 50 ans d’antibiothérapie, Cette bactérie reste très
sensible aux antibiotiques (pénicilline G ).
Infections à S. pyogenes et épidémiologie
Infections cutanéo-muqueuses suppuratives
(1) L'angine streptococcique : c’est une angine erythémato-pultacée
souvent avec fièvre, survenant à partir de 3 ans, le plus souvent transmission
par contact direct interhumain (parfois indirect par nourriture, eau de
boisson, lait). Il existe de nombreuses formes asymptomatiques et une forte
proportion de porteurs sains dans la population (10 à 20%). Cette angine peut
être à l’origine d’une complication éruptive : la scarlatine avec un exanthème
caractéristique.
(2) L'impétigo est une infection cutanée pustuleuse très fréquente
chez les enfants de 2 à 5 ans, après transmission directe le plus souvent,
rarement par l'environnement . Ces lésions sont favorisées par le manque
d'hygiène et par les conditions climatiques (zones subtropicales).
(3) D’autres infections plus rares sont rencontrées. L'érysipèle
est une complication rare et sévère chez des sujets fragilisés (diabète…). On
peut aussi voir des broncho-pneumonies, fièvres puerpérales (cf Semmelweis)
et des cellulites et fasciites nécrosantes (complications postopératoires
redoutables). Ces infections peuvent parfois se compliquer de septicémies.
Complications post-infectieuses non-suppuratives
Le RAA, la GNA et la chorée de Sydenham (danse de Saint-Guy) sont
des complications sans prolifération bactérienne, souvent assez sévères et
entraînant des séquelles cardiaques et rénales (sauf la chorée qui est de bon
pronostic), survenant au décours d’une infection suppurative.
Le RAA atteint surtout les enfants de 5 à 15 ans, et fait suite
dans 50% des cas à une angine streptococcique banale (mais dans 50% après
portage asymptomatique). Cette complication est relativement rare par rapport à
l’exposition : <1% des malades présentant des angines streptococciques.
L'incidence aux États-Unis est de 0,5/100 000 h. Dans les pays en voie de
développement, c’est un problème majeur de santé publique, avec des incidence
allant jusqu’à 80 / 100 000 h et expliquant 25% à 45% des cardiopathies dans
ces pays.
Survient chez 2 à 6% des malades avec impétigo ou angine. Elle est
de bon pronostic. Les récurrences sont rares. Seul un faible nombre de
sérotypes M sont impliqués.
Physiopathologie des infections à S. pyogenes
S. pyogenes est une
bactérie à multiplication extracellulaire, toxinogène et invasive. Les
infections suppuratives débutent par la colonisation du revêtement
cutanéo-muqueux, souvent asymptomatique, avec attachement aux cellules
épithéliales de l’oropharynx et de l’épiderme et éventuellement extension de
proximité (trompe d’Eustache, sinus, oreille moyenne, rarement arbre
bronchique).L’ envahissement tissulaire survient ensuite avec pénétration des
bactéries dans la muqueuse induisant une réponse inflammatoire variable selon
l’âge et la sensibilité individuelle. Les bactéries peuvent persister dans les
ganglions lymphatiques relativement longtemps et produisent une forte réponse
humorale et cellulaire, avec production d’ Ac anti-paroi (polyoside C, LTA,
protéine M) et exotoxines (IgG, IgA locales). L’élimination des bactéries se
fait par les polynucléaires après opsonisation.
Avant 2-3 ans, les enfants présente une fièvre avec adénopathies
cervicales persistantes, mais peu ou pas de réponse inflammatoire pharyngée (
pas d’angine à cette âge). Après 3 ans, l’infection streptococcique donne une
angine aiguë avec fièvre, malaise, adénopathies cervicales et complications
locorégionales: mastoidites, ostéomyélites, thromboses, méningites. La dissémination
de l’infection peut entraîner une septicémie, avec une porte d’entrée cutanée
ou muqueuse, mais souvent inconnue ( traumatisme minime..). La fasciite
nécrosante est une complication rare et redoutable avec cellulite et myosite
extensive, faisant suite à une lésion cutanée, et associée à une septicémie (
50%) avec une mortalité élevée ( 30%). Une complication de ces septicémies est
le syndrome de choc toxique survient chez des patients de 20-50 ans après
infection locale.
Complications post-streptococciques
Ces complications surviennent au décours d’une infection
suppurative, telle qu’une angine aiguë. Leur fréquence est favorisée par le
terrain génétique et l’exposition itérative à certaines souches virulentes
(protéines M) de S. pyogenes.
Le RAA produit des lésions inflammatoires du tissu conjonctif
(articulations, endocarde…), caractérisées par une infiltration leucocytaire
avec dépôts de fibrine , et des foyers péri-vasculaires avec nécrose centrale
et cellules géantes, en l’absence de germes dans le tissu articulaire ou
cardiaque. La pathogénèse du RAA est obscure : effets toxiques directs de
certains des facteurs de virulence, mécanismes immunoallergiques (antigénicité
croisée entre tissu conjonctif ou cardiaque et facteurs de virulence tels que
la protéine M et l’acide hyaluronique avec production d’ autoanticorps) ou
encore dépôts d’ immuns complexes antigènes-anticorps.
La GNA est une maladie à immuns complexes associée à certaines
souches de sérotypes M12 et M 49, notamment, et induit des lésions
glomérulaires diffuses et prolifératives
Virulence de S pyogenes
S pyogenes produit de
nombreux facteurs de virulence.
Facteurs de colonisation
Les acides lipoteichoiques (LTA) joueraient un rôle dans la
colonisation initiale. Ce seraient des adhésines fixant le récepteur de la
fibronectine, structure fibrillaire associés à la protéine M.
La capsule est constituée d’acide hyaluronique et joue un rôle
anti-phagocytaire. Retrouvée sur certaines souches virulentes de sérotype M1 ou
M18, la capsule entraînerait des réactions antigéniques croisées avec des
antigènes du tissu conjonctif.
Les protéines M sont des protéines transmembranaires de structure
hélicoidale fibrillaire, de 53-73 kDA, avec partie N-terminale exposée variable
et C-terminale constante. On connaît plus de 80 sérotypes codés par les gènes emm.
Ces protéines sont soumises à variation antigénique par recombinaison
intra-intergéniques des gènes emm , produisant des structures en
mosaïque des protéines M. Les protéines M sont exposées en surface jouent un
rôle anti-phagocytaire et d’adhésine (avec LTA), et fixent certaines protéines
de l’inflammation: fibrinogène, C4-binding protein, plasminogène, Fc des
IgG et IgA, le facteur H du complément. Les protéines M induisent la production
d’anticorps opsonisants protecteurs, qui jouent un rôle majeur dans la
protection acquise contre S. pyogenes. Les protéines M partagent des
déterminants antigèniques avec la myosine et une protéine du sarcolemme du
muscle cardiaque, ce qui favoriserait les complications post-streptococciques.
En effet, certains sérotypes M sont associés à la scarlatine, au RAA ( M12…), à
la GNA (M49…), ou le syndrome de choc septique ( M18…).
Schéma de la constitution de la paroi de streptocoque
Le peptidoglycane est un polyoside complexe avec un rôle
inflammatoire et dermo-nécrotique. Le polyoside A est un polyoside de paroi non
toxique, définissant les groupes selon la classification de Lancefield. Son
rôle dans le processus infectieux est inconnu.
Les toxines et enzymes sécrétées par S. pyogenes
Les toxines jouent un rôle majeur dans la survie extracellulaire et
la diffusion tissulaire des bactéries.
Colonies β-hémolytiques sur gélose sang
Polymérisation de la SLO formant un pore.
(1) Toxines cytolytique formant des pores
La streptolysine O (SLO) est une exo-protéine de 60 kDa,
antigénique et mitogénique ( TNF-α, IL-1β). La streptolysine S est un petit
peptide non antigénique. Ces 2 toxines sont cytolytiques et sont responsables
du halo d’hémolyse autour des colonies.
(2) Exotoxines
Les exotoxines A, B ,C, F sont des superantigènes, se fixant au
domaine Vβ du TCR des lymphocytes T et déclenchant la production de cytokines
(IL-1, IL-6, TNF-α…). Elles sont codées par speA, speB, speC speF ,
gènes portés par des phages. Ces toxines érythrogènes sont à l’origine de l’
éruption de la scarlatine, et sont associées au syndrome de choc toxique.
(3) Les exo-enzymes
Ce sont les streptokinases A, B, C, qui sont fibrinolytiques en
activant le plasminogène, la hyaluronidase qui détruit l’acide hyaluronique,
les streptodornases qui sont des DNAses, la C5a peptidase qui active le
complément, des protéases, NADases, amylases, estérases, une α-lipoprotéase
(facteur opacifiant le sérum), une neura-minidases. Ces enzymes et toxines
contribuent à la diffusion tissulaire.
Diagnostic bactériologique
Prélèvements
Le diagnostic bactériologique repose sur la mise en évidence du
germe dans la gorge ou dans les lésions cutanées : prélèvements de gorge ou de
lésions cutanées, rarement hémocultures, ganglions lymphatiques, lavage
broncho-alvéolaire.
Examen microscopique direct
Il
montre la présence de nombreux coques Gram+ en chaînettes, extracellulaires,
souvent avec une réaction inflammatoire à des polynucléaires.
Isolement et identification en culture
S. pyogenes est constitué
de coques à Gram positif en chaînettes, qui croissent sur gélose sang en 24-48
h 37°C, donnant des colonies 1-2 mm β-hémolytiques caractéristiques . Ce sont
des bactéries aéro-anaérobies, fermentant les sucres sans gaz, catalase
négative, appartenant au groupe polyosidique A de Lancefield
Diagnostic bactériologique indirect : sérodiagnostic
1) Les antistreptolysines (ASLO)
Les ASLO apparaissent au 10ème jour, avec un pic à la 3ème-
4ème semaine, et un taux résiduel pendant 3 à 12 mois. Près de 20 à
30% des patients infectés ne produisent pas d'ASLO détectables. Les formes
cutanées ne s’accompagnent pas de production d’ASLO. Dans la population, le titre
moyen est : inférieur à 200 UI/mL (UI unités internationales). On considère
qu’un titre > 200 UI est significatif.
2) Les antistreptodornases (anti-DNAses B)
Les antistreptodornases sont toujours augmentées lors d'infections
cutanées et muqueuses. C’est un test fiable, reproductible, considéré comme le
test de référence.
3) Les anticorps anti-hyalorunidases
Ces anticorps augmentés de façon irrégulière et faible.Interprétation
S. pyogenes responsable de
15 à 30% des angines aiguës de l'enfant, sur la base de l'isolement du germe
dans la gorge et d'une ascension secondaire des anticorps
anti-streptolysines-anti-strepto-dornases. Il faut garder à l’esprit pour
l’interprétation des résultats de la fréquence d’isolement d'un streptocoque du
groupe A dans la gorge chez les sujets sains du fait du portage. La mise en
évidence d’une séroconversion ou d’une augmentation de des anticorps
antitoxines/enzymes authentifie l'infection à streptocoque A.
Traitement
S pyogenes est très
sensible aux antibiotiques : la pénicilline G antibiotique de choix 10 jours
pour une angine. Il existe quelques souches résistantes à la tétracycline et à
l'érythromycine(<5%).