En 1976, au cours du 58èmeCongrès
de l’American Legion à Philadelphie, 221 participants logés dans le même
hôtel étaient atteints d'une pneumopathie grave. Cette pneumopathie est connue
sous le nom de ‘’maladie des légionnaires’’ ou ‘’légionellose’’. La bactérie
responsable a été isolée en 1977 des tissus pulmonaires des 21 patients décédés
au cours de l'épidémie. Il s’agit d’un genre et d’une espèce bactérienne
inconnue, Legionella pneumophila. Depuis, 30 espèces de Legionella ont
été identifiées dans l’environnement.
Les Legionella sont
des bacilles à Gram négatif à croissance intracellulaire facultative et
largement répandus dans l’environnement. Parmi les 30 espèces connus, L.
pneumophilia (sérogroupe 1) est de loin la plus fréquemment rencontrée en
pathologie, responsables des légionelloses, infections pulmonaires graves. Les
bactéries du genre Legionella sont des petits bacilles de 0,3-0,9 μ /
2-20 μ, non capsulées, aérobies strictes. Leur croissance est difficile et
requiert des milieux (BCYE) à base de charbon (C) enrichis en L-cystéine et
extraits de levure (yeast extract YE) assurant un apport en purine,
guanine et pyrimidine. L. pneumophila est responsable de 90 % des
infections chez l'homme, et on lui connaît 14 sérogroupes différents : les
sérogroupes 1, 4 et 6 sont de loin les plus fréquents chez l'homme. Les
bactéries sécrètent de nombreuses enzymes (hémolysines, protéase, phosphatases
endonucléases) qui ne semblent pas être directement toxiques pour le tissus pulmonaire.
Les autres espèces pouvant être potentiellement pathogène pour l'homme sont L.
micdaei, L. bozemanii, et L. dumoffii
Légionelloses
Il existe 2 formes
cliniques d’infection à Legionella pneumophila : la maladie des
légionnaires et la fièvre de Pontiac. La maladie des légionnaires survient sur
des patients fragilisés : souvent âgés >à 50 ans avec affection sous-jacente
(tabac, alcool ,immunodépression, corticothé-rapie). Après une incubation de
2-10 jours, la maladie débute par une fièvre 40°C, myalgies, céphalées, toux
sèche parfois hémoptoïque. Certains signes extra-pulmonaires (digestifs,
hépatiques, neurologiques) sont évocateurs de légionellose, notamment une
confusion , des hallucinations, des douleurs abdominales, des vomissements, une
diarrhée. L’ examen clinique est pauvre, contrastant avec la radio du thorax
très altérée : infiltrats mal limités, hétéro-gènes, s’étendant aux deux champs
pulmonaires. La mortalité est de 10-20% (> 25% après 60 ans) avec détresse
respiratoire aiguë.
Légionellose pulmonaire
La fièvre de Pontiac
est une infection pseudo-grippale à début brutal, sans pneumonie, d’évolution
bénigne. La guérison spontanée survient en 2-5 jours.
Cette infection est
souvent de découverte fortuite par étude sérologique rétrospective et constitue
la forme a minima de l’infection à Legionella du sujet immunocompétent.
Epidémiologie de la
légionellose
Il s'agit de bactéries
saprophytes de l’environnement, ubiquiste, ayant une prédilection pour les
milieux aquatiques (rivières, lacs, eaux thermales, eaux polluées...) qui
constituent son réservoir naturel. Elle peut survivre à des conditions très
variables de température (0-63°C) et de pH (5.5 - 8.5). Elle peut aussi
parasiter les amibes de l’environnement dans lesquelles les bactéries survivent
et se multiplient. Ces amibes qui peuvent s’enkyster sont une niche écologique
pouvant protégeant les bactéries des environnements hostiles.
Les principales sources
de contamination pour l’homme sont les systèmes d’air conditionné, les circuits
de distribution d’eau chaude (canalisations d'eau potable et notamment les
douches) , les bains bouillons, les eaux thermales. Cette colonisation des
canalisations d'eau et des circuits de refroidissement des systèmes de
climatisation dépend de nombreux facteurs, notamment: la température élevée de
l'eau (eau thermale, circuit de refroidissement..), l'accumulation de sédiments
qui stimulent la croissance d'une flore commensale, l'existence d'une
microflore commensale jouant un rôle symbiotique en fournissant les éléments
nécessaires à la croissance de L. pneumophila.
La transmission à
l'homme se fait par l'inhalation d’aérosols contaminées et mis en suspension
dans l'environnement. Il n'existe pas de transmission interhumaine et le
portage sain est exceptionnel. La maladie évolue le plus souvent sous forme
épidémique ( à l’hôpital), mais on rencontre de plus en plus souvent de cas
sporadiques notamment chez les patients immunodéprimés.
Physiopathologie de la
légionellose
La légionellose
survient volontiers chez les patients ayant un déficit de l'immunité cellulaire
: greffés, patients atteints de SIDA, patients ayant une leucémie à
tricholeucocytes, immunodéprimés pour chimiothérapie... La contamination se
fait par l'inhalation d’aérosols. La bactérie adhère à la surface de
l'épithélium bronchique et sont éliminées par la clairance mucociliaire de
l’épithélium respiratoire. Si ce mécanisme de défense est altéré (tabagisme et
alcoolisme chronique, déficit congénital de la mobilité ciliaire), les
bactéries atteignent l'espace alvéolaire et sont phagocytées par les
macrophages alvéolaires
Légionelles
intramacrophagiques
Les Legionella échappent
à l'activité microbicide en inhibant la fusion phagolysosomale et se
multiplient au sein des phagosomes jusqu'à la lyse cellulaire. Le cycle
recommence par l'infection de nouveaux macrophages. L’ atteinte pulmonaire est
multifocale, caractérisée à l’examen histologique par une alvéolite et une
bronchiolite riche de polynucléaires neutrophiles et de macrophages. Les
polynucléaires neutro-philes (PNN) détruisent rapidement les bactéries mais
leur rôle est probablement peu important, car les neutropénies ne constituent
pas un facteur de risque de légionellose.
Diagnostic de la
légionellose
Examen microscopique
direct
Les bactéries peuvent
être visualisées à partir des sécrétions respiratoires (expectorations,
aspirations bronchiques par fibroscopie…) et éventuellement des liquides
d'épanchements pleuraux par un examen microscopique direct en
immunofluorescence : les bactéries (L pneumophila) sont révélées sur les
frottis sur lame par des anticorps anti-Legionnella marqués à la
fluorescéine. Le nombre de faux-positif est faible, mais ce test est peu
sensible et n'est positive qu’en cas d’atteinte pulmonaire diffus.
Isolement et
identification en culture
Le diagnostic est confirmé
par l’isolement et d’identification des bactéries mises en culture sur milieux
spéciaux (BCYE). (additionnés de charbon, de cystéine, d’extraits de levure).
Les colonies de ces bactéries à croissance lente apparaissent en 3-7 jours. La
culture permet de reconnaître avec certitude l’espèce en cause.
Sérodiagnostic de la
légionellose
Le diagnostic est
souvent confirmé par la mise en évidence d’une séroconversion (augmentation des
titres de 4 fois) entre deux sérums prélevés entre 4 et 10 semaines d'intervalle.
La séroprévalence des anticorps anti-Legionella est faible au sein de la
population. Il est admis qu'un seul titre élevé (≥1 /128) obtenu par la
technique d'immunofluorescence indirecte [IFA]) est très en faveur d'un épisode
infectieux aigu.
La détection des
antigènes urinaires
La détection des
antigènes urinaires est une méthode non invasive de diagnostic rapide. Son
avantage est que le test reste positif plusieurs mois après l'épisode initial
de pneumopathie et permet un diagnostic rétrospectif. Son principal
inconvénient est sa spécificité pour le sérogroupe 1 de L. pneumophila. Les
autres espèces et sérogroupes ne sont pas détectés, mais représentent moins que
20 % des infections.
La sensibilité et la spécificité des différentes
méthodes de diagnostic au cours de la légionellose sont rapportés dans le
tableau suivant:
Méthodes
|
Sensibilité
|
Spécificité
|
Immunofluorescence directe
positif
|
80-90 %
|
100 %
|
Sérodiagnostic positif
|
50-70 %
|
96-99 %
|
Sérodiagnostic positif et
séroconversion (1:128)
|
40-60 %
|
96-99 %
|
Détection d’antigènes urinaires
|
80 %
|
100 %
|
Traitement de la
légionellose.
Le traitement de la
légionellose est basé avant tout sur l’antibiothérapie. Les familles
d'antibiotiques les plus efficaces sont les macrolides (érythromycine,
clarythromycine) et les fluoroquinolones
(pefloxacine,ciprofloxacine).L’antibiotique de choix est l’érythromycine. En
cas de pneumopathie grave, il est souvent conseillé d'associer la rifampicine.