Les
salmonelles sont des entérobactéries virulentes à tropisme digestif, pathogènes
pour l'homme et pour de nombreux animaux vertébrés. Certains sérotypes sont
très virulents et pathogènes pour une seule espèce animale ou pour l’homme.
Les
salmonelloses.
Les
salmonelles sont responsables de 2 types d'infection humaine :
Fièvres
typhoïdes et paratyphoïdes
Les
fièvres typhoïdes et paratyphoïdes sont des infections septicémiques
strictement humaines, dues à un nombre limité de sérotypes de salmonelles : Salmonella
typhi, Salmo-nella paratyphi A, B et C. Après inges-tion d'eau ou
d'aliments contaminés, le début clinique survenant après une incubation de 8 à
15 jours, est progressif, marqué pendant les 7 premiers jours (1ersepténaire)
par une fièvre qui s'élève progressivement, des céphalées, épis-taxis,
vomissements et constipation. L'examen clinique montre l'existence d'un pouls lent
et d'une splénomégalie avec leucopénie. C'est une fièvre leuco-péniante. A la
phase d'état (2ème sep-ténaire), le malade présente un syn-drome
fébrile à 39°-40°C, avec confusion mentale (tuphos), avec parfois des
localisations cutanées métastatiques (tâches rosées) et des métastases, en
particulier à l’endocarde ou au système nerveux central (méningo-encéphalite).
La fièvre typhoïde n’entraîne pas de diarrhée. Des complications graves peuvent
survenir : perforation digestive, hémorragie digestive. Dans un certain nombre
de cas, sans traitement, la guérison pouvait survenir après 3 semaines. Le
traitement antibiotique a transformé le pronostic.
Salmonella
intracellulaires
Les
toxi-infections alimentaires
Les
salmonelles sont une des causes principales des toxi-infections alimentaires (Salmonella
enterica séro-types Typhimurium, Enteritidis, Dublin, Wien ... ). Il
s'agit d'une maladie diarrhéi-que, survenant après une incubation courte de 12
à 24 heures suivant l'inges-tion d'eau ou d'aliments contaminés. C'est une
gastro-entérite fébrile, 38-39°C, avec vomissements et diarrhée banale. La
guérison survient habituel-lement rapidement. La gravité de cette infection est
surtout liée à l'importance de la déshydratation qu'elle peut entraîner chez le
nourrisson et le vieillard.
La
physiopathologie et épidémiologie des salmonelloses.
Après
ingestion d’une faible dose infectant (< 105 bactéries), les
bactéries vont pendant l'incubation pénétrer l'épithélium intestinal en
traversant les entérocytes par transcytose pour atteindre la lamina propria où
elles induisent une réaction inflammatoire intense avec afflux de monocytes
dans le cas de S. typhi, ou de polynucléaires dans le cas des
salmonelloses de toxi-infections alimentaires. Les bactéries atteignent la lamina
propria sans multiplication dans les entérocytes, et sont phagocytées par
les polynucléaires neutrophiles qui les détruisent dans le cas des salmonelles
des toxi-infections, ou se multiplient dans les monocytes dans le cas de S.
typhi, pouvant ainsi disséminer dans le sang, après passage par voie
lymphatique.
La
fièvre typhoïde est donc une septi-cémie à point de départ intestinal, alors
que les bactéries des toxi-infections alimentaires restent confinées à la lamina
propria du tube digestif. Dans le cas des toxi-infections alimentaires, la
diarrhée est due à la production de toxines LT (thermolabile), de cytotoxines
et à la réaction inflammatoire intense à polynucléaires neutrophiles produisant
loca-lement des prostaglandines. Ces toxines et les prostaglandines entraînent
en effet une perte d'eau par les entérocytes et une malabsorption du sodium.
Epidémiologie
des salmonelloses
Les
sérotypes responsables de la fièvre typhoïde sont transmis par l’eau contaminée
par les selles de patients ou de porteurs sains (S enterica sérotype
Typhi, Paratyphi A, B, C…). La maladie est rare en France et dans les pays
occidentaux du fait de l’assainissement des réseaux d’eau potable. Elle reste
fréquente dans le Tiers-Monde avec une mortalité élevée (30 millions de cas
déclarés et 580 000 morts/ an d’après l’OMS).
Les
salmonelles non-typhiques contaminent fréquemment les animaux d’élevage et sont
à l’origine de nombreuses épizooties. De nombreux sérotypes de Salmonella
enterica sont à l'origine de toxi-infections alimentaires chez l'homme
après ingestion d'aliments contaminés. Certains sérotypes ont récemment émergé
du fait de leur remarquable capacité d'adaptation à des environnements hostiles
au cours du processing des aliments. Salmonella enterica sérotype
Enteritidis est un pathogène émergent à partir de 1985 aux États-Unis et en
Angleterre. La conta-mination humaine se fait par l'inte-rmédiaire des oeufs de
volaille conta-minés sur leur coquille ou à l'intérieur même des oeufs au cours
de leur formation dans l'oviduct. De très nombreuses épidémies dues à cette
bactérie ont été observés dans la plupart des pays développés. De même, des
souches de Salmonella enterica sérotype Typhimurium appartenant à un
clone DT104 ont émergé à partir de 1990 au Royaume-Uni et sont devenues
actuel-lement une cause majeure de salmo-nelloses humaines. Près de 90 % des
souches sont résistantes à l'ampicilline, au
chloramphénicol, à la streptomycine, aux sulfamides et à la tétracycline, et un
taux estimé à 30 % des souches expriment aussi une résistance à la
ciprofloxacine et au triméthoprime. L'émergence de ces souches
multi-résistantes est la résultante directe de l'utilisation massive
d'antibiotiques chez les animaux.
Diagnostic
des salmonelloses.
Prélèvements
Le
diagnostic bactériologique d'une infection à salmonelle est assez facile,
reposant sur l'isolement du germe à partir des selles et , pour les fièvres
typhoïdes, à partir des hémocultures et par sérodiagnostic. Pour les
hémocultures, plusieurs prélèvements de sang sont réalisés chez les malades
soupçonnés de fièvre typhoïde (3 à 5 hémocultures en quelques heures), de
préférence au moment de variation brutale de température (ascension ou chute).
Le sang est prélevé sur un bouillon ordinaire ou enrichi, en respectant la
proportion de 10 % de sang en concentration finale. Les hémocultures sont
généralement positives en 1 à 3 jours à 37°C.
Les
coprocultures sont réalisés à partir des selles non diarrhéiques pour la fièvre
typhoïde ou diarrhéiques dans les salmonelloses non-typhiques.
L’examen
microscopique des selles
A la
phase aiguë de la salmonellose, les salmonelles sont très abondantes dans les
107 à 109/ mL. L’examen microscopique de la selle montre
une nette prédominance de bacilles à Gram négatif de 2 à 3 μ de long et 0,6 μ
de large, mobiles, avec une réaction inflammatoire à polynucléaires avec présence
d'hématies.
Isolement
et identification
Les
salmonelles sont faciles à isoler sur un milieu sélectif type
Salmonelle-Shigelle (SS), milieux additionnés de lactose avec des sels de fer
et des antiseptiques. Ces milieux, qui inhibent la flore à Gram positif,
permettent d'isoler les salmonelles sous forme de colonies H2 S+ ,
lactose -. Les milieux liquides d'enrichissement (type Muëller-Kauff-mann) sont
utilisés systématiquement. Ce sont des milieux à la bile et au vert brillant
qui permettent la croissance sélective en milieu liquide des salmonelles. Ces
milieux sont ensuite repiqués sur milieu sélectif d'isolement de type SS.
Colonies
noires de Salmonella (production H2S) et de E coli sur
milieu sélectif de Drigalski.
Les
colonies de salmonelles sont lisses, de type smooth S, à bord régulier,
de 2 à 3 mm, en 24 heures à 37°C. Sur milieu SS, les colonies apparaissent
lactose -, H2S +, urée -, indole -. Les salmonelles sont des bacilles à Gram
négatif appartenant au groupe des entéro-bactéries : oxydase -,
aéro-anaérobie-, poussant facilement sur milieux ordinaires, fermentant le
glucose, et possédant une nitrate réductase. Il n’existe qu’une seule espèce de
salmonelle : Salmonella enterica.
Identification
antigénique
Les
souches de salmonelle sont systématiquement sérotypées. Les anti-gènes O
(lipopolysaccharide ou LPS ) correspondent à un certain nombre de déterminants
antigéniques O1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. Ils permettent de classer les
salmonelles en différents groupes en fonction de déterminants antigéniques de
la chaîne latérale du LPS. Les antigènes d'enveloppe Vi sont une mince couche
de glycolipides qui recouvrent le LPS chez certaines espèces de salmonelles ( S.
typhi ). Les antigènes H sont des protéines flagellaires correspondant aux
cils des salmonelles. La flagelline existe sous 2 formes antigéniques appelées
phase 1 et 2 et avec des sérums de référence. Il est donc possible de sérotyper
les souches isolées et d’identifier le sérotype O et H des salmonelles selon la
classification de Kauffmann et White. Salmonella enterica comprend plus
2200 sérotypes (ou sérovar) , dont seulement 4 sérotypes responsables de la
typhoïde (S. enterica sérovar Typhi, S. enterica sérovar
Paratyphi A, B et C), et une dizaine de sérotypes prédominants responsables en
France de gastro-entérites (S. enterica serovar Typhimurium ou enteritidis...).
Sensibilité
aux antibiotiques
Les
souches de salmonelles non-typhiques peuvent être multirésistantes aux
antibiotiques (Salmonella enterica sérotype Typhimurium DT104…). Les
souches de S enterica sérovar Typhi et apparentés sont en général
sensibles aux antibiotiques.
Sérodiagnostic
des salmonelles
Le
sérodiagnostic de Widal et Félix est surtout utile au diagnostic des fièvres
typhoïdes. Il permet la recherche d’anticorps anti-O et anti-H des sérovars
Typhi , Paratyphi A B C. La cinétique de ces anticorps est typique : apparition
précoce des anticorps anti-O (titre : 1 /200-400) et anti-H au 10-12ème jour
(1 /800-1600), un pic à 1-2 mois, puis des taux résiduels pendant plusieurs
mois ou années.
Traitement
Le
traitement des fièvres typhoïdes est avant tout basé sur une antibiothérapie à
doses progressives (amoxicilline, trimé-thoprime-sulfaméthoxazole,
chloramphé-nicol…). Le traitement des salmonelloses non-typhiques est basé sur
la réhydratation et une antibiothérapie adapté (le plus souvent amoxicilline,
ou triméthoprime-sulfaméthoxazole…) . Le traitement préventif est basé sur
l'utilisation d'un vaccin anti-Salmonella typhi en utilisant l'antigène
Vi (Typhim). Utilisé par voie sous-cutanée, il donne une bonne protection
contre la fièvre typhoïde.