S. pneumoniae (pneumocoque)
est un pathogène majeur pour l'homme, responsable de nombreuses infections
graves. Il est responsable d’environ 50 %des pneumopathies, 20 % des méningites
bactériennes, et 30-40 % des otites moyennes aiguës. Il pose un problème de
santé publique majeur du fait de l'apparition de souches résistantes à la
pénicilline G. Les patients à risque peuvent bénéficier d’une vaccination.
S. pneumoniae est
un diplocoque à Gram positif, à multiplication extracellulaire. Il donne en 24h
sur milieu enrichi (sang) des colonies de 1-2 mm, α-hémolytiques (halo verdâtre
autour de la colonie) sans catalase.
Pneumocoques capsulés (contraste
de phase) et en diplocoques ( microscope à balayage).
Comme les autres
espèces de la famille des streptocoques, la paroi est constituée d’un
peptidoglycane et d'acide lipoteïchoique, mais il seul possède une capsule
polyosidique qui est un déterminant majeur de sa virulence. Il existe plus de
84 sérotypes capsulaires différents. Certains sérotypes (23F,19F,6B,14) sont
souvent rencontrés dans la population et sont souvent associés à une résistance
aux antibiotiques.
S. pneumoniae est
un hôte normal habituellement retrouvé dans le nasopharynx chez de nombreux
porteurs sains, à raison de 30-50% d’enfants et de 5-10% d’ adultes.
L'importance de la colonisation est soumise à des variations saisonnières avec
des pics en période hivernale qui est la période de forte incidence des
infections pulmonaires. La transmission de S. pneumoniae est
interhumaine, mais généralement elle ne se fait pas sur un mode épidémique
Pneumopathies à
pneumocoques
S pneumoniae est
responsable d’infections respiratoires ORL et pulmonaires. Ce germe est
impliqué dans 50-90% des cas de pneumonie aiguë ou ‘’pneumonie franche lobaire
aiguë’’. Dans sa forme typique, son début est soudain, avec frissons, fièvre à
39-40 °C, toux, expectoration purulente, douleurs thoraciques unilatérales. La
radiographie révèle presque toujours l'atteinte d'un seul lobe (75-90 p. 100
des cas). Chez l'adulte jeune, l'évolution est habituellement favorable en 8 à
10 jours avec chute brutale de la fièvre et amélioration rapide de l'état
général. Le pronostic est excellent grâce aux antibiotiques. Chez les sujets
dont le système immunitaire répond normalement, il est rare que les lésions
évoluent vers l'abcédation et la destruction du tissu pulmonaire. Dans ce cas,
il est important de rechercher une tumeur ou un corps étranger expliquant la
formation de l'abcès. Le pronostic est beaucoup plus réservé chez le vieillard
et l'immunodéprimé.
Plus rarement,
l'atteinte pulmonaire peut réaliser un tableau de bronchite aiguë catarrhale
sans atteinte parenchy mateuse, avec toux et expectoration mucopurulente. Cette
bronchite aiguë qui ne se distingue pas cliniquement des autres bronchites
aiguës bactériennes ou virales, est en règle régressive, mais peut donner lieu
à des rechutes, à des formes subaiguës traînantes ou des broncho-pneumonies en
foyers. Leur pronostic est parfois redoutable chez le nourrisson (bronchite
capillaire), le vieillard ou l'immunodéprimé.
Pneumonie franche
lobaire aiguë à pnenmocoques
Physiopathologie des
infections à S. pneumoniae
Colonisation de la
muqueuse respiratoire
L'étape initiale du
processus infectieux est la colonisation de l’oropharynx. Les bactéries
adhérentes à l'épithélium par des adhésines reconnaissant des récepteurs
spécifiques sur les cellules épithéliales. Cette colonisation peut progresser
de proche en proche vers les bronches, mais aussi vers l'oreille moyenne par
l'intermédiaire des trompes d'Eustache. Lorsque la propagation de la colonisation
est contrôlée localement par l'immunité innée, la colonisation reste asymptomatique.
L'absence ou l'insuffisance des mécanismes locaux de défense favori-sent la
division bactérienne et sa dissémination vers les voies respiratoires basses où
elle peut déclencher une infection connue sous le nom de pneumopathie franche
lobaire aiguë (PFLA). Plusieurs facteurs favorisent la diffusion de l'infection
:
(1) l’allergie qui provoque
un oedème des muqueuses et perturbe le drainage des trompes d'Eustache et des sinus.
(2) une infection
intercurrente virale ou à Haemophilus influenzae, qui provoque des
lésions de l’épithélium et favorise l'adhésion et l'invasion bactérienne.
(3) le tabagisme chronique qui provoque une
dysfonction ciliaire et perturbe le drainage de l'épithélium bronchique
Echappement à la
phagocytose
En l'absence
d'anticorps anticapsulaires spécifiques ou de certains facteurs du complément, S.
pneumoniae n'est que faiblement phagocyté in vivo. La capsule joue un rôle
déterminant lors de l'échappement à la phagocytose et constitue ainsi un
facteur majeur de la virulence bactérienne au cours du processus infectieux.
Les anticorps spécifiquement dirigés contre la capsule opsonisent la bactérie
et favorise sa phagocytose. Ils constituent ainsi l'élément principal de la
défense anti-pneumococcique. Cependant leur taux n'est détectable que 5 à 8
jours après le début de l'infection et la prévalence de ces anticorps est
faible au sein de la population.Toutefois, la faible prévalence des infections aiguë
à S. pneumoniae s'explique par la production d'anticorps anti-capsulaire
pendant la phase de colonisation en 2-3 semaines. L'impor-tance du rôle joué
par la production d'anticorps anti-capsulaires permet de comprendre que tout
déficit de l'immunité humorale puisse favoriser une infection sévère à S.
pneumoniae. D'autres facteurs bactériens peuvent également contribuer à la
physiopathologie du processus infectieux, notamment la pneumolysine
(α-hémolysine) et l'auto-lysine. Ces toxines jouent cependant un rôle
secondaire par rapport à celui de la capsule.
Réaction inflammatoire
intense
L’infection par S
pneumoniae est caractérisée par une réaction inflam-matoire intense avec
une prépondérance de polynucléaires neutrophiles (PNN). L'attraction des PNN
est due au C5a produit massivement à la suite de l'activation de la voie
alterne du complément par les constituants de la paroi (peptigoglycane, acide
lipoteichoï-que) et par les polysaccharides capsulaires de S. pneumoniae. La
rate joue un rôle important au cours de la défense anti-pneumococcique. Le
tissu splénique participe à la clairance des bactéries non-opsonisées en raison
de la faiblesse du débit sanguin et du contact prolongé avec le système
réticulo-endothélial. Tout asplénisme, qu'il soit fonctionnel ou anatomique,
constitue un facteur de risque majeur pour les infections à S. pneumoniae avec
le plus souvent des tableaux cliniques extrêmement sévères et d'installation
suraiguë.
Terrains favorisant les
infections à pneumocoque
Certaines pathologies
sont à prendre en compte par la sévérité et la fréquence anormalement élevée
des infections à S. pneumoniae :
(1) les déficits de la
production d'anticorps : primaires (agammaglobulinémie, déficit dans certaine
sous classe d'IgG…), ou secondaires ( SIDA, myélome, syndrome néphrotique…) ;
(2) les déficits en
complément (Cl, C2, C3, C4) ;
(3) les neutropénies (
défaut de la clairance des pneumocoques circulants) ;
(4) les asplénies
primaires (asplénie congénitale, hyposplénie.. ;) ou secondaires (splénectomie,
drépanocytose…).
D’autres circonstances
favorisantes sont multifactorielles : âges extrêmes, cirrhose, diabète, asthme,
tabagisme chronique, broncho-pneumopathie chronique obstructives (BPCO),
insuffisants cardia-ques, corticothérapie.
Diagnostic d’une
infection à pneumocoque.
Le diagnostic
bactériologique d’une infection pulmonaire à pneumocoque repose sur
l'identification de la bactérie dans divers prélèvements :
(1) les hémocultures
qui ne sont positives que dans 25 à 30 % des cas de pneumopathies ;
(2) les expectorations
ou prélèvements par aspiration nasotrachéale, d’interprétation délicate en
raison de la fréquence du portage asymptomatique de S. pneumoniae.
Néanmoins moyennant quelques précautions, l'analyse d'une expectoration peut
constituer une aide importante au diagnostique. Il faut s'assurer par l'examen
microscopique (X100) après coloration de Gram qu'il s'agit bien d'une
expectoration et non de salive, attestée par la présence de cellules
inflammatoires (PNN) à un taux > 25 cellules/champ , sans cellules
épithéliales < 25 cellules /champ, avec généralement une flore bactérienne
où prédomine des diplocoques à Gram positif. Cette prédominance de S.
pneumoniae est retrouvée en culture.
(3) les prélèvements
pulmonaires protégés sont des prélèvements invasifs le plus souvent réalisés
sous fibroscopie par des équipes spécialisées. Ils permettent de prélever les
sécrétions bronchiques dans les voies aériennes basses sans que celles-ci ne
soient contaminées par les sécrétions des voies aériennes supérieures.
L'isolement d'une souche de S. pneumoniae à un titre > 103 CFU/ml
permet le plus souvent de faire le diagnostic étiologique. Cependant il est
rarement nécessaire de recourir à ces techniques pour faire le diagnostic d'une
infection pulmonaire communautaire ;
(4) le prélèvement d'un
épanchement pleural se fait par ponction.
En cas d ‘épanchement, S.
pneumoniae est souvent retrouvé.
Traitement des
infections à S pneumoniae.
Lorsque S.
pneumoniae est sensible à la pénicilline, les pénicillines A (ampicilline
et amoxicilline) reste le traitement de référence. Cependant, l'augmentation de
la résistance aux β-lactamines de S. pneumoniae constitue actuellement
un réel problème de santé publique, car il remet en cause l’attitude
thérapeutique devant ces infections très fréquentes. La pénicilline G a été en
effet utilisée pendant 50 ans avant que n'apparaisse une diminution de la
sensibilité de S. pneumoniae. L'augmentation croissante des pneumocoques
de sensibilité diminuée à la pénicilline (PSDP) depuis une dizaine d'année
reflète la sélection de souches ayant subit des mutations spontanées et des
transformations sur leurs gènes codant pour les PBPs, (Penicilline-Binding-Protein),enzymes
qui synthétisent le peptidoglycane. Ces altérations des PBPs obligent à
utiliser des concentrations plus importantes de pénicilline devenues
nécessaires pour saturer ces enzymes.
Les CMI (concentration
minimales inhibitrices) des souches sensibles de S. pneumoniae. pour la
pénicilline G sont inférieures à 0,1 mg/ L. Les souches intermédiaires ont des
CMI entre 0,1 et 1 mg/ L. Les souches résistantes ont des CMI égales ( et
rarement supérieures) à 2 mg/ L. En pratique en dépit de la progression de
cette résistance, beaucoup de souches restent sensibles ou intermédiaires (CMI<1mg/),
et l'augmentation des doses de β-lactamines est le plus souvent suffisante pour
traiter ces infections, à l'exception des méningites. Les souches ayant un haut
niveau de résistance à la pénicilline avec des CMI à 2 mg/L sont de traitement beaucoup
plus difficile car cette résistance est souvent associée à une résistance pour
des antibiotiques d'une autre famille (érythromycine,
chloramphénicol,clindamycine,trimetopri-mesulfamethoxazole. La vancomycine, la
pristinamycine la rifampicine et certaines nouvelles quinolones (chez l’adulte)
restent actives.
On suspecte la présence
d’une souche de PSDP chez les patients ayant reçu un traitement par des
β-lactamines dans les 3 derniers mois, ceux ayant été récemment hospitalisés,
et encore les jeunes enfants gardés en crèche. Les alternatives thérapeutiques
(en dehors des méningites) en cas de PSDP sont l'augmentation des doses de
pénicilline A (200-300 mg/kg/j), l’utilisation d’une céphalosporine de 3ème
génération (céfotaxime, ceftriaxone),de la vancomycine