C'est une des espèces bactériennes
les plus souvent rencontrées en pathologie humaine. Dans la flore digestive, il
existe souvent au moins une dizaine de souches différentes de Escherichia
coli. La plupart sont commensales, mais certaines souches possèdent des
facteurs de virulence qui leur permettent de déclencher des diarrhées.
Les diarrhées à
E. coli
E. coli est une cause majeure de diarrhée aiguë dans le monde. La diarrhée
peut revêtir deux aspects principaux :
(1) un syndrome cholérique :
diarrhée profuse, aqueuse, sans fièvre avec souvent vomissement (gastro-entérite
durant quelques jours). Chez l'adulte, c'est la classique "turista".
(2) un syndrome dysentérique : fièvre,
douleurs abdominales violentes, crampes, ténesme, diarrhée glaireuse
muco-sanglante, parfois hémorragique. L’évolution est en règle générale
favorable après réhydratation et, éventuellement, traitement antibiotique ; (3)
une complication particulière: la colite entéro-hémorragique avec selles
hémorragiques après 48 heures dues à une colite ischémique aiguë. C’est une
complication grave chez l'enfant. On rencontre parfois, au décours de l'épisode
diarrhéique, apparition d'un syndrome hémolytique urémique (insuffisance rénale
aiguë, thrombopénie, anémie hémolytique). L’évolution est habituellement
favorable.
Pili de E
coli
Physiopathologie des diarrhées à E . coli
Les entérites à E. coli sont dues à différents pathovars :
E. coli entéropathogènes (EPEC)
Les EPEC tapissent la
muqueuse du duodéno-jéjunum sans l'envahir. Les bactéries adhèrent étroitement
aux entérocytes par des adhésines non fibrillaires, et entraînent un effacement
de la bordure en brosse sans pénétration des bactéries dans les cellules. Des
micro-colonies adhérentes sont au contact des entérocytes. La diarrhée pourrait
être due, d'une part à l'effacement de la bordure en brosse qui entraîne des
troubles d'absorption des électrolytes, et d'autre part à la production d'une
toxine de type "Vérotoxine" apparentée à la vérotoxine de Shiga
(SLT1).
Les E. coli
entérotoxinogènes (ETEC)
Les ETEC sont
responsables de diarrhée aiguë chez les enfants de moins de 2 ans, et de "turista".
Ils donnent des syndromes cholériformes comme les EPEC. Les ETEC adhèrent aux
cellules de la muqueuse intestinale sans l'envahir par des pili (colonization
factor antigen CFA). Ils déclenchent la diarrhée par la production de
toxines de type LT apparentées à la toxine cholérique. La toxine LT active
l'adénylcyclase cellulaire entraînant l'accumulation d'AMP cyclique
intracellulaire et une fuite hydro-électrolytique, diminuant l'absorption du
sodium et du chlore, et donc d'eau.
E coli effaçant les microvillosités des entérocytes des villosités
intestinales
Villosités intestinales normales
E. coli entéroinvasifs (EIEC)
Ces souches sont responsables de syndromes diarrhéiques avec
diarrhée fébrile, muco-sanglante. Elles sont très proches des shigelles et le
mécanisme de la virulence est quasiment identique à celui des shigelles, avec
invasion par les cellules M des entérocytes, multiplication dans les
entérocytes et atteinte de la lamina propria.
E. coli entérohémorragiques (EHEC)
Certaines souches appartenant en particulier au sérogroupe 0157 H7
sont à l'origine de diarrhée hémorragique, sans pus, survenant après ingestion
d'aliments souillés. Il s'agit de colites ischémiques aiguës pouvant se
compliquer de syndrome hémolytique urémique. Ces souches semblent produire en
très grande quantité une Vérotoxine de type SLT-1 apparentée à la "Shiga
toxin", qui serait responsable de lésions endothéliales sur les
capillaires de la muqueuse intestinale et rénale.
Epidémiologie
des diarrhées à E . coli
Les
EPEC induisent des cas de diarrhées sporadiques dans les pays occidentaux et
sont responsables de grandes épidémies dans les pays en voie de développement.
Les EIEC et les ETEC sont surtout rencontrés dans le Tiers-Monde, et ne sont
pratiquement jamais observés dans les pays occidentaux. Les souches de EHEC,
incluant E. coli 0157:H7, représente actuellement dans les pays
occidentaux une cause majeure de diarrhée hémorragique parfois associée à un
syndrome hémolytique urémique. C'est la cause la plus fréquente d'insuffisance
rénale aiguë chez l'enfant. Inconnue chez l’homme avant 1982, E. coli 0157:H7
est responsable de nombreuses épidémies liées à la consommation de certains
aliments mal cuits au Canada, en Afrique, au Royaume-Uni, en Allemagne, et au
Japon. C’est un commensal de la flore digestive des bovins (1 % de portage
fécal) qui contamine certains aliments d'origine animale ou végétale. Cette
bactérie peut croître à 4 °C, et est résistante à l'acidité gastrique
(acido-tolérant) et à des températures de près 60°C. Les épidémies sont dues
notamment à la consommation d'hamburgers mal cuits, avec souvent des diarrhées
hémo-rragiques compliquées dans 10 à 20 % des cas par un syndrome hémolytique
urémique. L'incidence en France reste faible (1/100000 habitants). Outre E.
coli 0157:H7, d'autres sérogroupes de E. coli peuvent être
sporadiquement rencontrés (O26:H11, O111:NM...).
Diagnostic
des diarrhées à E . coli
E.
coli est une entérobactérie : bacille
Gram -, oxydase -, aéro-anaérobie, cultivant sur milieux ordinaires,
fermen-tant le glucose avec production de gaz, possédant une nitrate réductase.
Prélèvements
Les
souches de E coli sont recherchées dans les selles diarrhéiques par
coproculture. La flore digestive normale contient de nombreuses souches non
pathogènes de E. coli. Il faut donc distinguer les différents pathovars
qui sont prédominants parmi ces souches commensales.
Isolement
et identification
Les
selles sont cultivées sur milieux des milieux sélectifs (contenant des
antiseptiques) pour les entérobactéries type Salmonelle-Shigelle (SS) ou
Drigalski. Après incubation à 37°C, les colonies de E. soli apparaissent
en 24 h : colonies smooth S , de 2 à 3 mm de diamètre.
-
Ces colonies présentent les caractères des entérobactéries : bacille Gram -,
oxydase -, aéro-anaérobie, cultivant sur milieux ordinaires, fermentant le
glucose avec production de gaz, possédant une nitrate réductase.
-
Les bactéries fermentent le glucose et lactose avec gaz et sont indole + .
Le
diagnostic de pathovar repose sur l’étude des colonies de E. coli ( 5-6
colonies) à partir du milieu d’isolement.
-
Les souches de EPEC possèdent certains sérotypes et capsulaires particuliers.
Les plus fréquents sont les O26 K60, O55 K59, O86 K61… Les colonies sont
sérotypées par agglutination directe des colonies à l’aide de sérums de
référence (environ 10 sérums).
Les
souches de ETEC sont identifiées en mettant en évidence des pili CFA avec un
sérum anti-CFA et de la production de toxines LT ou ST : la toxine LT, avec des
sérums spécifiques anti-LT par test ELISA ; les toxines ST, par un test de
toxicité sur souriceau nouveau-né après ingestion orale.
-
Les souches de EIEC sont identifiés par leurs caractères biochimiques qui les
font ressembler aux shigelles (fermen-tation du glucose sans gaz, et présence
d’antigènes O communs avec les shigelles) et par la mise en évidence par
aggutination de certains sérogroupe O (O157 H7 est le plus fréquent ). Ces souches
induisent une kérato-conjonctivite dans l’oeil de cobaye (test de Sérény) et
envahissent les cellules HeLa in vitro.
Traitement
des diarrhées à E . coli
Ces
diarrhées à E coli sont traitées par réhydratation. Un traitement antibiotique
peut être nécessaire pour les souches entéroinvasives. On utilise
habituellement l'ampicilline ou le triméthoprime-sulfamétoxazole ( Bactrim) en
général pendant une semaine .