Le
choléra est une maladie infectieuse strictement humaine due à un bacille Gram négatif
en virgule, Vibrio cholerae ou vibrion cholérique. V cholerae a
un tropisme exclusivement digestif. C’est une bactérie très contagieuse
respon-sable d’épidémies dans le monde entier (pandémies).
Le
choléra
Le choléra est une maladie
strictement humaine entraînant une diarrhée avec une déshydratation aiguë. Dans
sa forme grave typique ( choléra sévère), après une courte incubation (quelques
heures à 5 jours), la maladie débute par une diarrhée fécaloïde, puis aqueuse
sans fièvre, associée à des douleurs violentes épigastriques et abdominales et
des vomissements en fusée. A la phase d'état , la diarrhée aqueuse devient
incoercible, avec des grains riziformes et débris de muqueuse. Ceci entraîne
une déshydratation aiguë, avec voix rauque, yeux exorbités, cyanose, asthénie
profonde, crampes, amaigrissement extrême, et hypothermie (température à
35-36°C). En l’absence de traitement, cette déshydratation est souvent à l’origine
d’un collapsus cardio-vasculaire avec acidose et insuffisance rénale.
Cependant, on sait que l’infection par V cholerae est la plupart du
temps totalement asymptomatique ( près de 90% des cas), avec élimination des
bactéries dans les selles pendant plusieurs jours. Le spectre de la maladie va
de la diarrhée banale ( environ 10% des sujets infectés) et au choléra sévère (
environ 1% des infectés). La mortalité sans réhydratation atteignait autrefois
parfois 50 %. La réhydratation correcte-ment menée fait tomber le taux de
mortalité à moins de 1%.
La
physiopathologie du choléra
Les
vibrions sont absorbés par voie orale avec l’eau de boisson ou les aliments, ou
même après contact direct avec des patients ou des porteurs sains. L’acidité
gastrique protège partiellement en réduisant considérablement le nombre de
bactéries accédant au duodéno-jéjunum. Les bactéries se multiplient alors dans
la lumière de l'intestin grêle et traversent la couche de mucus tapissant la
muqueuse intestinale grâce à leur mobilité conférée par un flagelle unique et à
une mucinase.
Les
bactéries adhèrent intimement à la bordure en brosse des entérocytes par des
pili de type IV. Le syndrome dia-rrhéique est dû à la sécrétion in situ d'une
exotoxine protéique qui entraîne une fuite d'eau et d'électrolytes. Cette
toxine est une protéine thermolabile composée d’ une sous-unité H ( ou A) de 28
kDa et de 5 sous-unités L ( ou B) de 8 kDa. L'exotoxine se fixe par ses
sous-unités L au ganglioside GM1, récepteur glycolipidique de la membrane des
entérocytes. La sous-unité H est une pro-enzyme avec activité ADP-ribosylase
révélée par protéolyse. Cette ADP-ribosylase libérée dans le cytoplasme active
l'adénylcyclase des entérocytes en bloquant la sous-unité α de la protéine Gs
qui normalement inhibe cette enzy-me. Ceci induit une augmentation de l'AMPc
intracellulaire, et provoque l'excrétion anormale d'ions sodium et la fuite
hydrique.
Les
gènes codant pour la toxine cholérique et pour les pili sont codés par des
phages filamenteux, CTX Ø et VPI Ø formant des îlots de pathogénicité. Le LPS
jouerait aussi un rôle dans la colonisation de l'épithélium intestinal et dans
la pathogénie de la maladie .Le LPS est un antigène protecteur majeur induisant
l'apparition d'anticorps vibrio-cides protecteurs.
Immunité
contre le choléra
L’immunité
contre V. cholerae est humorale et de courte durée ( 2 à 3 ans). En zone
d'endémie, les enfants paient un lourd tribu à la maladie, alors que les
adultes sont relativement épargnés du fait de contaminations itératives qui
leur confèrent une immunité parfois abrogée par la malnutrition.
Épidémiologie du choléra.
Les
sept pandémie de choléra
Depuis
le début du 19ème siècle, où les moyens de communication par voie
maritime se sont considérablement accélérés, sept pandémies se sont succédées
jusqu'à nos jours. A partir de 1817, les six premières pandémies sont parties
de foyers endémiques permanents d'Asie (delta du Gange, Bangladesh, Asie du
Sud-Est). Depuis la découverte du vibrion cholérique à la fin du 19ème siècle,
les souches de V. cholerae à l’origine des pandémies appartenaient au
sérovar O1 biovar Cholerae (dit classique). En 1961, a émergé une nouvelle
souche O1 présentant des caractères biochimiques particuliers définissant un
nouveau biovar dit Eltor. C’est cette souche qui fut à l'origine de la 7ème
pandémie partie des îles Célèbes en Indonésie et qui se propagea dans
l’ensemble du Tiers-Monde où elle sévit encore aujourd'hui . La pandémie a
atteint en 1961 l'Afrique où le choléra n'était pas connu, puis l'Amérique
latine en 1991 où cette maladie avait disparu depuis 1897. A partir du Pérou,
la maladie a frappé la plupart des pays latino-américains en quelques mois
faisant plusieurs centaines de milliers de victimes. Comme dans beaucoup
d'autres pays en voie de développement d'Asie et d'Afrique, le choléra s'est
installé à l'état endémique en Amérique latine, où il sévit actuellement de
façon saisonnière.
En
1992 , une nouvelle souche épidé-mique inconnue jusque-là est apparue en Inde
et au Bangladesh. Cette souche très contagieuse s’apparentait au biovar Eltor
et portait un LPS inconnu dit O139. Depuis la souche persiste à l’état
endémique dans ces 2 pays et déclenche des bouffées épidémiques pour le moment
limitées à cette région du monde. Son extension pourrait signifier le début
d’une huitième pandémie.
Habitat
V.
cholerae est une bactérie saprophyte
retrouvée dans l’environnement , parti-culièrement dans les eaux saumâtres des
estuaires, les lits des fleuves et au contact du zooplancton (copépodes), des
algues marines et des plantes aquatiques. La bactérie peut contaminer les
fruits de mer et l’ intestin des poissons. Elle survit pendant 50 jours dans
l'eau de mer à 5-10°C, 10-12 jours à 30-32°C, expliquant son existence
saprophyte et sa persistance limitée aux zones intertropicales. Au cours du
choléra, V. cholerae est éliminé en général pendant 5-10 jours, souvent
en très fortes quantités (109 bactéries / mL) dans les selles aqueuses très
abondantes des patients (parfois 10-20 L / jour). Les porteurs sains sont très
nombreux au cours des épidémies et sont un important vecteur de propa-gation du
choléra. Ils sont en effet contagieux, bien qu’ éliminant des quan-tités
beaucoup plus faibles de bactéries pendant 1-7 jours (rarement jusqu’à 40
jours).
Transmission
V.
cholerae est transmis par voie orale par les
aliments et l'eau de boisson contaminés. La dose infectante est élevée chez les
personnes sans facteur de risque, notamment du fait du filtre très acide de
l’estomac. Des doses de 108 et de 1011bactéries entraîne respecti-vement une
diarrhée banale chez 50 % et un choléra grave chez 100% des sujets. En présence
de bicarbonate de soude ou avec des aliments, des doses de 103-104 induit une
diarrhée banale et une dose de 108 bactéries une diarrhée cholériforme. En zone
d’endémie, le risque vient de l’eau stagnante conte-nant des matières
organiques et massivement polluée (égouts, fèces) et de la contamination des
mains qui est à l’origine avec l’eau de la contamination de la nourriture.
Certains aliments (en particulier alcalins) sont fréquemment contaminés par V.
cholerae. (légumes frais, riz, millet, fruits de mer…). Le choléra est une
maladie des mains sales. La cuisson de l’eau et des aliments est une protection
simple et efficace de la propagation de la maladie.
Diagnostic
bactériologique du choléra
V
cholerae au microscope électronique
Prélèvements
Chez
les patients cholériques, V cholerae est mis en évidence presqu’
exclu-sivement dans les selles aqueuses (coproculture) , parfois sur la peau,
mais jamais dans le sang ou les urines ou tout autre prélèvement.
Examen
microscopique des selles
Au
cours du choléra, les vibrions sont visibles dans les selles aqueuses des
patients comme des bactéries en virgule, très nombreuses et très mobiles à
l’état frais, à Gram négatif. .
Isolement
et identification
Chez
les patients cholériques, V. cholerae est facilement isolé en culture
presque pure sur géloses ordinaires ou alcalines (pH 9,6) ou sur certains
milieux sélectif type TCBS incubés à 37°C. Les colonies apparaissent très
rapidement en 8h à 10h, de 2-3 mm , transparentes. Chez les sujets porteurs
sains ou avec simple diarrhée, il convient d’utiliser des milieux
d’enrichissement type eau peptonée alcaline hypersalée repiqués régulièrement
sur gélose, ce qui permet d’isoler les germes en faible quantité dans les
selles.
Colonies
transparentes de V cholerae
V.
cholerae est une bactérie oxydase positive,
aéro-anaérobie, capable de respirer et de fermenter les sucres sans production
de gaz (glucose, D-saccharose, D-mannose, D-mannitol , lactose). Les bactéries
croissent à la température optimale de 30-37°C, tolérent 1-3% de NaCl
(halotolérance) , à un pH de 7 et 10 ( la multiplication est inhibée à pH acide
≤ 6 ).
V.
cholerae sécrète de nombreuses enzymes
(lécithinase, lipase, amylase) et produit certains enzymes métaboliques (
l’ornithine décarboxylase : ODC+), mais ne produit pas de lysine décarboxylase
(LDC), d’adénosine dihydrolase (ADH), d’uréase ni de H2S. certains biovars
(Eltor) produisent une hémolysine mis en évidence avec du sang de mouton lavé
(5%).
Biovars
de V. cholerae.
On
distingue 2 biovars principaux de V. cholerae d’après les caractères
métaboliques : hémolyse, hémaglutination, fermentation acétoïne du glucose,
sensibilté à la polymyxine et au phage IV .
Sérovars
de V cholerae.
Les
souches épidémiques de V. cholerae appartiennent uniquement aux sérovars
O1 et O139. Les souches dites non-O1-non-O139 proviennent de l’environnement et
sont rarement à l’origine de cas sporadiques de diarrhée banale sans potentiel
épidémique dans le monde entier.
Traitement
Le
traitement du choléra est basé sur la réhydratation des patients (intraveineux ou
sels de réhydratation oraux). L’antibiothérapie est associée. Il des vaccins
inactivés ou vivant qui confèrent une protection loin d’être complète